Les contes de la GRRIF 2/3

10 janvier 2022

Les contes de la GRRIF, c’est une chronique collaborative à suivre du lundi au vendredi à 17h20 sur GRRIF. Chaque jour, on vous raconte un petit bout d’histoire créée par et avec votre cerveau tarabiscoté. C’est vous qui décidez de la direction des événements chaque jour en votant sur Instagram via notre compte @grrifradio.

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Résumé des épisodes précédents
Un jour, trois enfants découvrent une casserole avec des pieds dans une cabane mystérieuse. Pas très contente de les voir, elle tape du pied et les gosses se retrouvent enfermés dans la cave de la cabane. Dans leur geôle, il font la connaissance d’un vieillard et d’une chaise de déplacement magique à l’assise abîmée. Les enfants proposent de la réparer en échange de leur liberté. Le contrat est accepté fissa et les gosses sont transportés chez Maman Couturière, qui veut bien remettre la chaise en état suite à d’âpres négociations. Mais au moment de terminer le travail, Maman Couturière s’arrête net, interdite.

Lundi : L’histoire des magiciens en rut

Maman Couturière était pétrifiée! Seule sa main tremblante s’avançait avec précaution vers la chaise fraîchement rembourrée pour en retirer l’objet de sa stupeur : une pancarte de trois mètres sur douze discrètement agrafée au dos du siège. Dessus, on pouvait lire ces mots : « Je vous aime toujours Madame Couturière. Rejoignez-moi au château et je vous couvrirai de bonheur. Signé : Arpion »

Maman Couturière lâcha la pancarte qui tomba parterre comme un pétale de rose de trois mètres sur douze. Son fils la regardait, ébaubi : « Que signifie ceci Maman Chérie ? » Interpelée, celle-ci reprit ses esprits et lui répondit:

– Oit ta gueule !

– Mais Maman Colère, j’ai bien vu que ce message ébranlait ton cœur !

– Pardon mon toncha. Tout aç est tellement loin maintenant. Je vais te redi la tévéri.

Dans son langage étrange et avec ses sauts d’humeur insondables, Maman Couturière raconta alors aux enfants l’histoire terrible qui était la sienne. Dans sa jeunesse de débauchée, deux puissants magiciens étaient amoureux d’elle. Dans une ultime confrontation pour décider duquel pouvait continuer de la courtiser, le premier, le sorcier Arpion, lui fit démonstration de tous ses pouvoirs. Le second, plus poète, se contenta de prendre une casserole et de concocter son plat préféré à sa douce : des tripes fumées au Cenovis à la noix de coco sur son lit de choux de Bruxelles, panais et courgettes aux clous de girofle anisés, arrosées de leur délicieux sang de licorne coriandre-oignon-ananas et cornichon. (Ndlr : recette définie avec l’aide des auditeurs sur Instagram).

Maman Couturière tomba follement amoureuse de ce dernier. Elle l’épousa et vécut heureuse. Mais le sorcier Arpion, frustré comme un clou tordu enfoncé dans le bois, n’avait de cesse de jurer que son heure viendrait. Alors que Fils Couturière n’était âgé que de quelques semaines, Papa Couturière le magicien, devenu l’époux de Maman Couturière, disparut dans la nature sans que personne ne sache ce qui s’était passé, et sans jamais plus donner signe de vie. Toutes sortes de rumeurs courraient sur « l’amour qui passe » ou « la peur de devenir père », mais Maman Couturière savait au fond d’elle que la véritable raison se cachait dans des recoins bien plus sombres de la folie humaine… dans le cerveau malade de ce satané Arpion qui continuait malgré tout à lui faire la cour comme si de rien n’était. Cette pancarte de trois mètres sur douze n’était qu’un nouvel exemple de son absence totale d’humanité. Les normes ISO préconisent bien que pour une hauteur de trois mètres, la largeur doit être de treize mètres !

Les enfants avaient écouté le récit avec des yeux grands comme la courbe des statistiques du nombre d’acariens au mètre carré avalés par un aspirateur. Surtout son propre fils, Fils Couturière, qui savait enfin pourquoi son père était un mannequin en bois dans la vitrine de l’atelier et pas un vrai papa comme ses copains. C’est lui qui prit la parole : « Maman Chérie, je te promets de découvrir la vérité ! »

Comment Fils Couturière fera-t-il pour découvrir la vérité ? Qui donc est Papa Couturière? Et surtout, où Maman Couturière rangera-t-elle cette foutue pancarte de trois mètres sur douze ?

Mardi : Au château de la Perversion

Un nuage de fumée rose et un bruit de pop-corn qui éclate furent les dernières traces laissées par les trois garnements dans l’atelier de Maman Couturière. La chaise magique rafistolée était maintenant tout à fait disposée à conduire les postérieurs assis sur elle où bon leur semblait. Les enfants en quête de réponses choisirent d’aller directement affronter le nœud de tous leurs problèmes au château du sorcier Arpion. (Ndlr : choix de nos auditeurs sur Instagram). Un clignement d’œil plus tard, voici donc notre fier équipage planté au milieu d’une salle à manger pompeuse et silencieuse.

« Haaaa, ça fait plaisir de rentrer au bercail ! » Le siège magique venait de soupirer. Au bercail ? À la maison ? Home sweet home ? Les enfants se regardèrent ahuris. Si la chaise était chez elle, ça signifiait que le vieillard étrange dans la prison de la casserole qui leur avait prêté la chaise était donc le vil Arpion ! Et son histoire de chaise cassée était un vulgaire baratin pour renouveler encore ses élans auprès de Maman Couturière en se jouant de leur innocence. Quel gredin !

Alors que la vérité leur éclatait à la face comme un bouton d’acné trop mûr, une voix retentit à la grande porte de l’autre côté de la pièce : « Heureux de voir que mon plan a fonctionné. C’était Arpion, le maléfique sorcier débarrassé de ses guenilles et désormais vêtu d’une somptueuse tenue de pom pom girl. « Je m’étais apprêté au cas où la belle Maman Couturière succomberait enfin à mon charme, mais j’imaginais bien qu’elle n’en ferait rien. J’ai donc demandé à ma chaise de vous conduire ici dès que vous poseriez vos fesses dessus. Visiblement, vous êtes venus de vous-même. Je vais donc pouvoir passer à mon plan B. »

Au moment où le sorcier Arpion entama un ricanement machiavélique de circonstance, les trois amis se regardèrent et comprirent qu’il fallait agir tout de suite ou mourir dans d’atroces souffrances, en regardant des spectacles de cheerleaders jusqu’à la fin de leurs jours ! Les trois chenapans s’échangèrent un rapide coup d’œil complice et partirent à toute berzingue dans des directions opposées.

Nos héros réussiront-ils à échapper au terrible sorcier Arpion en costume de pom pom girl ? Quel est donc ce terrible plan B dont il a parlé ? La chaise magique fera-t-elle une séance de diapositives de son voyage pour ses copines chaises ?

Mercredi : L’échappée belle

« Courrrrrez ! » Avec l’hystérie panique d’un Black Friday, les trois enfants s’enfuirent chacun de leur côté pour échapper à la menace d’Arpion toujours vêtu de son costume de pom pom girl. Malheureusement, après quatre secondes seulement, ils se retrouvèrent tous au centre de la pièce face au même terrible constat : cette salle à manger ne possédait qu’une seule porte, celle où se trouvait précisément le sorcier. Ils n’avaient donc plus qu’une seule alternative, faire face avec courage. (Ndlr: les actions suivantes ne sont que le fruit du cerveau malade de nos auditeurs)

Le plus petit d’entre eux, baptisé Petit Poucet, sortit une poignée de cailloux de sa poche qu’il gardait depuis un épisode tragique de son enfance. Il la jeta en direction des bourses du magicien. Mais celui-ci, plus agile qu’une langue de serpent, esquiva le tir en formant un R avec son corps. « R comme raté ! » cria-t-il.

La plus hargneuse et écoresponsable des trois enfants, Greta Thunberg, attrapa le chandelier de la table et tenta d’embraser les pompons de leur ennemi. Il l’évita aussi en prenant la posture d’un T et la nargua en ces mots : « T comme Tu ne passeras pas, flamme d’Udun ! »

Décidément, ce bougre était coriace ! « Il est trop agile ! Nous devons le battre sur son propre terrain. » conclut Fils Couturière, le troisième larron. « Pendant que vous cherchez une façon de lui jeter un sort dans la bibliothèque du fond, je vais l’occuper avec ma propre technique de pom pom girl ! À nous deux !»

Fils Couturière ôta son manteau de lin vétuste et apparut dans une splendide tenue de danseur étoile. Le sorcier Arpion n’eut même pas le temps de trembler que déjà, Fils Couturière lançait son premier mouvement. « C-A-C-A-P-O-U-2R-I, caca pourri ! » Son geste était parfait et déstabilisa Arpion. « Sacrebleu ! Il maîtrise la technique des insultes d’enfant ! » siffla le pom pom magicien. « Je vais devoir sortir le grand jeu… S-I-T-U-N-E-F-I-N-I-P-A-S-T-E-S-B-R-O-C-O-L-I-S-T-U-S-E-R-A-S-P-U-N-I, Si tu ne finis pas tes brocolis, tu seras puni ! » Le combat était lancé et s’annonçait âpre.

Pendant ce temps, Greta et Petit Poucet se ruèrent sur le meuble du fond pour y trouver un sort à lancer au sorcier. Ils tournèrent une manivelle et tombèrent sur toutes sortes de grimoires obscurs : l’almanach de 1832, un Croc’menu ou le mode d’emploi d’un tabouret IKEA, rien à leur portée. Et puis soudain, leurs yeux s’écarquillèrent enfin ! Ils tombèrent sur ce qu’ils cherchaient : la collection complète des aventures d’Harry Potter !

Trois jours plus tard, alors que le combat de cheerleading faisait toujours rage dans l’embrasure de la porte, Greta s’arrêta sur LE sort qu’elle traquait. Elle sortit sa baguette magique de pain bio, la pointa vers le sorcier et cria : « Drus ! » Sa cible vit alors ses cheveux et sa barbe pousser à l’infini. Le sorcier s’encoubla dans sa toison et s’effondra comme une vieille moumoute emportée par le vent. La chaise magique, qui contemplait la scène au bout de sa table, vint à son secours mais il était trop tard. Les enfants s’étaient déjà enfuis en prenant le premier tapis volant de la ligne quatorze en direction du village.

Alors que le tapis flottait vers leur patelin, nos trois héros jubilaient de fatigue. Une fois leur souffle retrouvé, Petit Poucet sorti un feuillet de sa poche et le tendit à Fils Couturière. « Tiens, j’ai trouvé ça en fouillant la bibliothèque. » Le regard de son copain fut alors rempli d’un mélange de stupéfaction, d’angoisse, de joie, de sagacité et de sex appeal. Il lut le titre du parchemin : « Sortilège pour transformer Papa Couturière en casserole avec des pieds. »

Que feront nos trois enfants avec ce bout de papier ? Comment Arpion se relèvera-t-il de sa défaite ? Y a-t-il une vie après une Saint-Martin complète ? 

Jeudi : La hotline de tous les dangers

De retour au bercail, les trois amis avaient tout loisir d’analyser le précieux manuscrit retrouvé chez le vil sorcier Arpion. La recette pour transformer Papa Couturière en casserole avec des pieds était tarabiscotée et surtout, ne disait pas comment la neutraliser. Néanmoins, deux choses attirèrent l’attention des héros : le numéro de téléphone d’une hotline était inscrit sur la bordure et une remarque en bas de page disait ceci : « Le sortilège deviendra irréversible si Papa Couturière croise le regard de sa bien-aimée avec amour. »

« C’était donc ça !  » Fils Couturière avait enfin tout compris au mystère de sa vie : « Papa Couturière a été transformé en casserole avec des pieds par le vilain sorcier Arpion, jaloux de l’idylle qu’il vivait avec Maman Couturière. Par peur de recroiser le regard de Maman Couturière avec amour, Papa Casserole s’est enfui dans la forêt où il vit maintenant reclus. Maman Couturière avait raison, Papa Couturière est vivant ! J’appelle la hotline. »

Après trois heures d’attente sur une petite musique électro-jazz entrecoupée de promotion sur le vaccin anticovid, le combiné décrocha. « Service après-vente de Merlin Compagnie, bonjour. Mon nom est Walter White. Que puis-je faire pour vous ? »

– Bonjour. Fils Couturière à l’appareil. Ce serait pour savoir comment annuler un sort.

– Hmmm… Oui. Vous avez le numéro de série ? Il est écrit en haut à droite du parchemin.

– Douze.

– Hmmmm… oui, je vois, c’est un sort personnalisé de niveau trois. Alors c’est très simple : prenez un pichet en étain. Nettoyez-le avec une lingette Swiffer et versez-y les cendres d’un être cher. Ensuite, agrafez une affiche d’une exposition de Matisse sur un mur, au pied duquel vous installerez le pichet ainsi qu’un chat et un bébé âgé de quelques semaines. Si c’est pas la saison, vous pouvez le remplacer par un paresseux en peluche. Au milieu de tout ça, invitez la victime du sortilège munie de son passeport et d’un masque de carnaval pour faire deux parties de Uno et quatre de Mastermind, tout en jouant du djembé. Laissez mijoter une heure et le sort se dissipera. Ah oui, n’oubliez de brancher la prise anti-moustique dans la boîte à chaussure. (Ndlr. Merci à nos auditeurs sur Instagram pour ce rituel pas du tout magique.)

– Ah oui. C’est costaud… Vous savez, je débute avec la magie. Je suis pas encore très à l’aise avec les nouvelles technologies.

– Sinon, on peut vous envoyer un dépanneur mais ça vous coûtera un rein. Le gauche ou le droit, c’est vous qui voyez.

– Ok, ben faisons ça alors.

– Très bien, je vous passe mon collègue du service d’ablation à domicile. Ne quittez pas.

Après de nouvelles longues minutes d’échange d’adresse et de synchronisation d’agenda, le rendez-vous fut pris pour la semaine suivante. En attendant, les trois enfants décidèrent d’aller détrousser des vieilles dans le quartier des boutiques de luxe pour passer le temps. Grave erreur ! Dans la pénombre d’un château non loin de là, le sorcier Arpion, lui, était déjà en train de mobiliser son armée pour venir les cueillir.

Qu’est-ce que ce diable d’Arpion est en train de manigancer ? Qui donnera son rein pour payer le dépanneur ?  Est-ce que vous avez essayé de redémarrer l’ordinateur ?

Vendredi : En route vers le bonheur perdu

Deux dodos étaient passés depuis que nos aventuriers juvéniles avaient passé commande auprès de la société Merlin et Compagnie pour un dépanneur de sortilège. Il en restait cinq jusqu’à ce que ce dernier arrive pour délivrer enfin Papa Couturière de sa terrible malédiction.

Le matin était resplendissant, Maman Couturière avait fait des crêpes au riz casimir, et le facteur avait encore apporté des nouvelles réjouissantes du front, à l’Est. La guerre contre les saules pleureurs allait enfin trouver une issue pacifique.

Fils Couturière fut rapidement rejoint par ses compères guillerets, Petit Poucet et Greta Thunberg. C’était le grand jour. Ils allaient retourner dans la forêt, dans la cabane de la casserole avec des pieds, pour lui annoncer qu’ils savaient qu’elle était en réalité Papa Couturière, que Fils Couturière était son fils, et qu’ils avaient tout organisé pour lever la malédiction afin que tout redevienne comme avant. Ce jour était le premier du reste de la vie de la famille Couturière !

Les crêpes au riz casimir avalées, les enfants se mirent en route. Maman Couturière leur fit plein de recommandations en verlan et se remit à sa machine à coudre pour finir sa tenue de « vilaine fifille qui n’a pas été sage et qu’il faudra punir sévèrement » en vue des retrouvailles avec son mari qu’elle n’avait pas revu depuis au moins 53’876 dodos.

Le chemin vers la forêt sentait bon le goudron fraîchement posé par la voirie. Le soleil semblait leur sourire derrière les gros orages de grêle qui s’abattaient sur le pays. Rien ne semblait vouloir gâcher cet instant d’innocence jovial.

Rien… à part le fieffé sorcier Arpion ! Un éclair déchira le ciel et un gigantesque rugissement interrompit net l’escapade du bonheur de nos trois voyageurs. Une vision d’horreur monumentale se dressa soudainement sur la route. Une masse de graisse titanesque qui ondulait à chaque pas comme des tsunamis de lipides. La gueule béante de la bête crachait des limaces et des chocolats fourrés aux choux-de-Bruxelles ; et dans ses griffes, des haches en guimauve rose filaient le diabète à tout ce qu’elles touchaient. C’était un véritable cauchemar de diététicien ! Un mélange de Cthulhu et Gargantua !

Sur sa tête flasque trônait, fier et satisfait, le diabolique sorcier Arpion. Un sourire vampirique sur le visage, il crut bon de faire les présentations : « Mes petits, quel plaisir de vous revoir. Ne me dites pas que vous alliez voir Papa Couturière, la casserole, pour la sauver ? Parce que moi j’avais prévu autre chose. Un petit jeu amusant avec mon petit bébé. Je vous présente le monstre sacré du cinéma, le terrible Gérardepardinosaurus-Rex ! Et il a faim. Il a toujours faim. »

Nos jeunes héros réussiront-ils à sauver leur peau et celle de Papa Couturière ? Maman Couturière finira-t-elle son costume à temps ? Quelqu’un voudrait reprendre une part de crêpe au riz casimir ? Vous le saurez dans la suite des Contes de la GRRIF.