Un an après sa sortie, que dire de « Once upon a time… in Hollywood » ?

16 juin 2020

Analyse du dernier film de Tarantino

Trop long, trop décousu, un bon film mais pas une chef d’œuvre, c’est le genre de critiques qu’on a pu lire au sujet du 9e film de Tarantino. Et si, au contraire, il était le plus réussi du réalisateur ? Selon nous, il est en tout cas l’un des plus riches. On vous propose de revenir sur quelques éléments d’analyse pour mieux l’appréhender.

Hollywood, la fin d’un âge d’or

D’un côté, il y a l’industrie du cinéma, en pleine crise à la fin des années 60. Certaines majors manquent de faire faillite. Leurs films, tous autocensurés par le puritain code Hays, ne remplissent plus les salles. Allégorie de cette déconfiture, l’acteur de western Rick Dalton subit la crise de plein fouet. Sa carrière est sur le déclin, tandis qu’apparaissent les symboles du Nouvel Hollywood : le réalisateur Roman Polanski, les actrices Sharon Tate et Trudi Fraser.

Le crépuscule du mouvement hippie

De l’autre côté, Tarantino met en scène le mouvement hippie et ses désillusions. Le glissement de l’utopie peace and love vers ses travers les plus sombres s’amorce avec la prise en stop de Pussycat par le cascadeur Cliff Booth. Sexy, aguicheuse, Pussycat incarne a priori la liberté sexuelle, le plaisir, la douceur. En réalité, elle va faire entrer Cliff Booth dans l’univers malsain et zombifiant de la secte Manson, qui marque l’Amérique au fer rouge durant l’été 1969 avec ses meurtres d’une cruauté inénarrable. Ses adeptes vivent au ranch Spahn, royaume du trafic de drogues, de l’esclavagisme sexuel, et terreau propice à la violence. Miroir de l’industrie du cinéma sur le déclin, la secte Manson entraîne le crépuscule du mouvement hippie.

L’apothéose du cinéma

La technique du déplacement

Ces deux univers convergent vers un final redouté : le meurtre de Sharon Tate. Mais Tarantino rappelle qu’Hollywood est une « usine à rêves », capable de reformuler les pires actes pour les rendre supportables à la conscience. Via un travail de déplacement – d’ailleurs semblable au travail du rêve décrit par Freud dans son Interprétation des rêves de 1899 –, Tarantino transpose le destin de Sharon Tate à celui de Rick Dalton et Cliff Booth. C’est à eux que s’en prennent les membres de la secte Manson. Mais ils se font massacrer par l’acteur et sa doublure.

Un happy end inattendu

Sharon Tate, elle, ne croisera pas la Manson family. Elle invite Rick Dalton chez elle au matin des faits, suggérant ainsi la réconciliation entre l’ancien Hollywood et le nouveau. À travers ce happy end uchronique, aussi époustouflant qu’inattendu, Tarantino offre son apothéose au cinéma. Hollywood sauve des vies. Hollywood sauve des carrières. Hollywood se réinvente. C’est une usine à rêves qui flirte avec les dieux.