Mix Master Mike, champion de deejaying, DJ des Beastie Boys et de Cypress Hill

15 janvier 2020

Interview

La rencontre avec le DJ des Beastie Boys a lieu lors d’une soirée Breakadelic au SAS de Delémont, en novembre 2019. Espiègle, un peu fou, Michael Schwartz alias Mix Master Mike commente tout ce qu’il observe autour de lui. Il raconte qu’il mange des pommes, parce que selon le dicton, une pomme par jour éloigne le médecin. Je lui dis qu’il est comme Jacques Chirac qui vient de mourir. MMM ne le connaît pas. On lui précise qu’il était aimé du peuple.  « Un président aimé du peuple, c’est possible ? Est-ce qu’il fumait ? » Des cigarettes, oui. MMM nous apprend que Barack Obama est un consommateur de marijuana. On se marre. Le décor est posé pour l’interview de Mix Master Mike.

L'interview audio

 

On te considère comme l’un des plus grands DJs du monde. Comment as-tu commencé ?

Adolescent j’ai été confronté à pas mal de musique. Je regardais toujours les couvertures des albums, je regardais des tableaux : Rembrandt, Picasso, De Vinci, ça a développé mon goût pour l’art. Mon oncle avait une collection de disques. J’y revenais toujours parce que je n’avais pas le droit d’y toucher. Je le faisais quand il partait travailler. Il y avait beaucoup de funk : Earth, Wind and Fire, Con Funk Shun, Miles Davis, Kool and the Gang.

Ensuite j’ai découvert Led Zeppelin, Hendrix, Thelonious Monk et Miles Davis. Ces gars étaient tous mes héros et je voulais être comme eux. Je regardais Hendrix, Eddie Van Halen, Stevie Ray Vaughan, et je me disais « Wow, je veux être comme ça. Mais il y a un problème, je ne sais pas jouer de la guitare. » Je voulais être John Bonham, le batteur de Led Zeppelin, mais je ne savais pas faire de batterie non plus. Je voulais être Lalo Schifrin, Quincy Jones, mais je ne savais pas jouer du clavier. Mais j’ai découvert la table de mixage, et ce fut un don du ciel. J’imaginais des façons de remanipuler tous ces disques pour arriver à mes propres compositions. Ce fut la naissance de Mix Master Mike.

Tu es l’inventeur du tweak scratch. Comment tu as découvert ce son ?

J’ai mis ma vie en danger pour ça. J’ai failli m’électrocuter. J’ai trébuché sur le cordon de la table de mixage qui s’est à moitié débranchée. Ça a fait jaillir des étincelles sur le mur, un peu partout, ça a provoqué un court-circuit sur la table, mais le disque continuait de tourner. Quand j’ai entendu le son que ça faisait, je me suis dit « Wow ». Et j’ai continué de scratcher avec le pouce. En fait on peut toujours contrôler la tonalité et le son du disque quand la table s’arrête. C’est comme ça que le tweak scratch est né à travers moi. À moitié en train de m’électrocuter, tout en découvrant une nouvelle manière de manipuler un disque avec la table de mixage sur off.

Quelle est l’histoire de ton arrivée chez les Beastie Boys ?

C’était un alignement de planètes. Une question de timing et d’alignement. J’étais fan des Beastie Boys. Et j’étais DJ de compétition bien avant de les rejoindre. J’avais gagné trois fois les compétitions internationales du Disco Mix Club, ça m’a assuré une notoriété mondiale en tant que DJ. Je suis devenu respecté. Adam H., Adam Y. et Mike savaient qui j’étais.

J’ai rencontré Adam Yauch à une fête annuelle de hip-hop à Rock City Park à New York. On s’est échangé nos numéros de téléphones et je lui ai donné ma carte, qui disait « Mix Master Mike, champion du monde ». Je me souviens de cette carte ringarde. J’avais aussi l’habitude de lui passer des vidéos de mes battles. Et quand il n’était pas chez lui je lui laissais des messages de scratch sur son répondeur. Je lui ai laissé au moins quatre à cinq messages différents. « Yo Adam, écoute ça. Ça s’appelle le scratch du poulpe inversé. » Je mettais le téléphone sur haut-parleur et je scratchais. « Ok, mec. Dis-moi ce que tu en penses, tchk. » 

Finalement, ça a payé. Trois mois plus tard les gars m’ont appelé : «  Hey, tu voudrais nous aider à travailler sur notre album ? » J’ai dit oui, et c’est parti comme ça. Grâce à ma persévérance. Dans ce monde, il faut beaucoup de persévérance pour avoir ce que tu veux. Et je suis très persévérant. « Non », ce n’est pas une option de réponse pour moi. Je crois en mes capacités. Un peu comme si j’avais trop confiance en moi. Mais je savais que j’avais quelque chose à offrir au groupe. Je savais que j’étais l’élément manquant. On a enregistré Hello Nasty durant deux semaines à New York, le rêve était devenu réalité.

À la fin de la session, je me souviens, ils m’ont emmené dans une autre salle d’enregistrement, on s’est assis par terre. On se disait que ça allait être un bon album. On procrastinait. Je leur disais combien je les appréciais, à quel point c’était un honneur de travailler avec eux, et ils m’ont dit qu’ils voulaient que je devienne leur DJ. Je me souviens de ce moment, c’était très spécial. C’était wow. Si tu penses au rêve américain, ce fut le rêve américain pour moi. Les Beastie Boys m’ont ouvert les portes pour montrer au monde entier de quoi j’étais capable. Ils m’ont offert leur plateforme. Et maintenant je suis ici (rires.) Mais j’ai toujours été un artiste solo, même avant les Beastie Boys. C’est ce que je suis en premier lieu. Je sors des disques depuis des années. Mais les Beastie Boys, c’est un peu comme une extension de moi. Ce sont mes frères et ils le seront toujours.

Tu auras 50 ans l’an prochain. Qu’est-ce qui te donne l’énergie de continuer de tourner et sortir des disques ?

Mon addiction à la musique. En fin de compte c’est ça. J’ai besoin de créer. Si je ne crée pas quelque chose, je ne me sens pas moi-même. C’est pour ça que, si vous me suivez sur Instagram, vous pouvez voir plein de choses, plein de projets dans lesquels je m’investis, c’est une façon pour moi d’être diverti. Je suis un artiste, je divertis les gens, et ma façon à moi d’être diverti, c’est de créer. Quand j’étais enfant j’étais déjà comme ça, toujours à fabriquer des trucs, et si je me retrouvais au temps des Égyptiens en train de construire des pyramides, je suppose que je serais quelque part là-haut, comme chef constructeur, ou maçon. Je suis un créatif par excellence, c’est mon truc.

Aujourd’hui tu tournes avec Cypress Hill, mais tu as aussi tourné avec Metallica. 

Avant de rejoindre Cypress Hill je suis parti en tournée mondiale durant six mois comme première partie de Metallica. On a fait tous les stades des États-Unis. TOUS les stades.

Quelle est la différence entre tourner avec un groupe de metal et tourner avec un groupe de hip-hop ?

Avec Metallica j’étais là en tant qu’artiste solo. C’est différent d’avec les Beastie Boys ou Cypress Hill, où tu joues sous la bannière du groupe et tu en es juste un élément. Mais quand tu me vois en solo, c’est comme un assaut sonore de tueur de cire en série qui détruit toute la matière noire du collisionneur de particules du CERN.

Non mais les shows en première partie de Metallica ont vraiment amélioré ma confiance en moi, parce que je pense qu’être capable d’ouvrir pour Metallica n’est pas donné à tout le monde. D’habitude, ce sont des groupes complets qui jouent ce rôle, et le public est irrespectueux avec eux. Genre : « Fuck you, on veut Metallica. » Pour moi, le premier show s’est un peu passé comme ça. Mais au 2e, je me suis dit : « Ok, je vais montrer à ces connards pourquoi je suis là ». Et j’ai fini par en mettre plein la vue à tout le monde sur toute la tournée. J’ai gagné le respect des gens. Même le management de Metallica est venu vers moi pour me dire que j’étais un putain de… qu’est-ce qu’ils ont dit ? Que j’avais le cœur d’un lion, parce que personne ne peut arriver là-devant et détruire un stade de cette façon. Ma confiance en moi a été boostée. Je me suis dit : « Oh, j’ai pu faire rocker un putain de stade rempli de métalleux à moi tout seul. Y a plus de problème. » C’est grâce à Dieu, c’est Dieu qui m’a placé là. C’est son pouvoir. Je suis très spirituel et je crois à une force suprême, je crois que c’est grâce à ça que j’ai eu cette carrière. Mais c’est aussi grâce à ma persévérance et au timing. Le temps a joué avec moi.

Je vais te mentionner plusieurs choses. Quand tu les entendras tu me diras un mot qui te vient en tête.

Je suis prêt. On a fait un long chemin pour en arriver là (rires.) Tu vas me tester ? Okay, allons-y.

Beastie Boys

Intemporel.

Techno

Techno ? Un fruit différent dans un panier de fruits.

Boire et se droguer avant un concert

Incompatible avec le programme. Interférence.

Hip hop west coast

Invisibl Skratch Piklz (« Cornichons Invisibles à Scratcher », collectif de DJs californien dont MMM fait partie.) 

Lars Ulrich

Lars ! Wow, il y a beaucoup à dire pour Lars. Intelligent. Il est très intelligent, sage. Un artiste, un musicien, un très bon peintre. Un créateur dans tous les sens du terme. Ouais.

Rage Against The Machine

La bande originale de la résistance.

Daft Punk

Classique.

Les artistes suisses

Des artistes suisses ? Euh… Donne-moi un exemple. Je n’en connais aucun (rires.) Pourquoi j’en dirais quelque chose ? Je n’ai pas le droit à une opinion car je n’en connais aucun.

Lana Del Rey

Payée. Elle est payée, ouais. Les gens la connaissent. C’est une popstar, donc elle est payée.

Tu ne te considères pas comme une popstar ?

Non, je suis un contrôleur du trafic sonore. Je suis réveillé. Je suis un protecteur. Je suis le gardien de la galaxie. C’est ça, un gardien de la galaxie du son.