C’est quoi le mur de son de Phil Spector ?

18 janvier 2021

Le légendaire producteur Phil Spector est mort samedi dernier en prison. Condamné pour le meurtre de l’actrice Lana Clarkson, il a connu la célébrité dans les années 60 et a collaboré avec des artistes comme les Beatles, Ike & Tina Turner, Bob Dylan ou encore les Ramones.

Mais Phil Spector est surtout connu pour avoir mis en place une technique d’enregistrement très particulière : le fameux mur de son.

La chevauchée des Walkyries

L’idée du mur de son est de retrouver l’impression sonore de La chevauchée des Walkyries jouée par un orchestre symphonique, avec un groupe de rock. C’est ce que Phil Spector a dans la tête et va tenter de reproduire en studio. A l’époque tout le monde trouve ça con. Il faut dire qu’en 1962 même les producteurs sont persuadés que la pop est une musique éphémère.

Comment ça marche ?

Théoriquement pour faire un mur de son il suffit de faire des overdubs, autrement dit des prises successives et de les mixer ensemble. Hélas, c’est presque impossible à faire avec la technologie de l’époque.

La grande idée de Phil Spector sera d’utiliser un grand nombre d’instruments et de les faire jouer à l’unisson. Autrement dit utiliser quatre guitares ou lieu d’un seule et trois piano plutôt qu’un. Même principe pour les choristes. On lieu d’en faire chanter deux ou trois, on prend carrément une chorale. Bref, l’idée est de ne pas avoir un groupe de rock, mais un orchestre de rock. Il faudra six mois à Phil Spector pour bâtir son mur de son.

Le secret : avoir un jeu stupide

Plutôt que de commencer par le noyau rythmique – basse, batterie – Phil Spector construit son premier bloc avec les guitares. Trois, quatre ou même plus. Et le jeu doit rester simple. Il dit même aux musiciens, qui sont des virtuoses, que leur jeu doit être stupide. Ce qui intéresse le producteur n’est pas le jeu de guitare, mais le son que les instruments peuvent dégager ensemble. C’est un peu comme demander à Picasso de peindre une porte.

Producteur maniaque

Les musiciens doivent aussi être prêts à renoncer à leur instrument. Si Phil Spector a besoin d’un cinquième guitariste, il demande au saxophoniste, de lâcher son instrument et de jouer de la guitare. Les sessions sont longues, certains guitaristes finissent même les doigts en sang.  

Phil Spector c’est aussi un maniaque de la batterie. Il passe des heures à chercher le son parfait. Exit cymbales et caisse claire, Phil Spector cherche juste une rythmique forte, qui pulse. D’ailleurs il impose systématiquement au batteur deux baguettes très lourdes.

Retour au mono

Enfin, Phil Spector enregistre dans un petit studio, le Gold Star à Los Angeles, qui ne dispose que de deux magnétophones : un magnéto avec une piste mono et un magnéto deux pistes. Sa méthode consiste a enregistrer les instruments sur la piste mono qu’il transfère sur le magnétophone deux pistes. Il cherche ensuite le bon équilibre entre les instruments et les parties vocales et repasse le tout sur le magnéto une piste. Autrement dit « Back to mono », ce qui deviendra le slogan de Phil Spector.

Pour aller plus loin, lisez « Phil Spector, le mur de son » de Mick Brown, aux éditions Sonatine et écoutez une compilation de ses morceaux les plus emblématiques ici.