«Presque réelles», quand les love dolls sortent du placard

17 septembre 2025

Cully, vendredi soir 5 septembre, vernissage. Devant la Galerie S, j’hésite. Mannequin pour vêtements vintage ou colocataire en silicone ? Derrière la vitrine, une femme immobile, robe bleue courte, décolleté franc, jambe pliée sur l’autre, regarde le trottoir d’un air… absent. Le décor est planté : « Presque Réelles », le reportage photo de Vincent Muller, brouille les repères et invite à pousser la porte. J’entre pour tendre notre micro aux visiteurs présents.

« Leur visage a une expression, c’est très troublant. » Une spectatrice

L’artiste a accompagné trois propriétaires de poupées, dans leur intimité, durant un an et demi. Dans ses images, pas de grivoiserie tapageuse : des salons bien rangés, une banquette arrière, un transat au bord d’une piscine, un lit défait. Et partout, ces love dolls grandeur nature…coiffées, habillées, chaussées, partagent la vie ces hommes à l’allure banale. Ils les installent, les manipulent et leur parle parfois. On sait pourtant à quoi elles servent, mais l’érotisme sur certaines images cède la place à un ballet du quotidien où la mise en scène révèle autant l’artifice que l’attachement.

« Le point commun entre ces hommes c’est qu’ils ont eu un passage à vide, une solitude assez profonde. Ils ont comblé un manque affectif. Ils sont rentrés dans une logique où pour eux, c’est vraiment leur personne de compagnie. » Vincent Muller

Le reportage prend alors une épaisseur sociologique. Ces poupées ne se réduisent pas à l’objet sexuel. « Presque réelles » nous entraîne dans un monde parallèle, troublant et fascinant mais également malaisant. Une zone grise qui frôle la déviance pathologique et qui dit beaucoup de notre époque, de notre rapport à l’autre, de nos fantasmes, de nos désirs (masculins surtout), mais aussi de nos misères, de nos solitudes et de nos résiliences.

« Si on est seul et qu’on pense qu’un objet peut faire l’affaire, c’est peut-être le signe d’un déséquilibre affectif. Mais tout existe. » Un visiteur

Quoiqu’il en soit, le photographe ne juge pas : il regarde et nous montre à voir. On en ressort avec plus de questions que de réponses, ce qui est souvent bon signe. « Presque Réelles », le reportage photo a été primée et exposé en France, en Suisse, en Allemagne. Il est à voir jusqu’au 26 septembre à Galerie S, Rue Davel, à Cully.

Dans Le Debrief, Vincent Muller réagit aux critiques des visiteurs glanées durant le vernissage et répond à toutes mes questions.

« Presque réelles », Le Debrief :

Crédit images : Vincent Muller

Une émission réalisée avec le soutien de :