Avec ses lettres blanches sur fond noir, le Manifeste des musicien.ne.x.s romand.e.x.s est apparu très sobre sur les réseaux il y a une maintenant une dizaine de jours. Or, son contenu a quelque chose du cri, pour faire voir une réalité que vivent de nombreux artistes actifs dans les musiques actuelles. La centaine de signataire réclame « une augmentation des fonds publics pour les musiques actuelles, ainsi que l’élaboration, en partenariat avec les autorités et autres acteur.ices.x.s du milieu, d’un modèle viable et équitable pour tou.te.x.s ».

Libération de la parole
Ces derniers mois, vous avez peut-être pu lire la lettre ouverte de la violoncelliste Sara Oswald, « Invisibles« , ou encore les slides illustrées de la chanteuse Meimuna, « Faut-il quitter le monde de la musique ? » et « Comment sauver la musique indé ? » D’autres artistes se sont aussi exprimés pour évoquer la précarité du métier, l’absence de statut adéquat, ou encore les difficultés qui ont émergé en même temps que les plateformes de streaming audio (ndlr : moins de vente de disques, notamment). Un « ras-le-bol général », qui a conduit Sara Oswald à réaliser un questionnaire envoyé à de nombreux musiciens et musiciennes. Pour collecter les données, ses collègues Sandor et Verveine l’ont accompagnée. Il en ressort qu’environ « 90% des répondants ne vivent pas de la musique et se situent parfois presque en dessous du seuil de pauvreté », d’après Sandor. Une réalité dont le public ne prend pas toujours la mesure, et qu’il est important de dévoiler, pour faire bouger les lignes. Sandor se réjouit de cette libération de la parole : « Quand on est musicien et qu’on a un peu de succès, c’est difficile d’admettre que financièrement ça ne suit pas. Les gens font vite l’amalgame… si cet artiste ne gagne pas d’argent, c’est qu’il est pas bon… Mais en fait, bien sûr que ça n’a aucun lien avec la qualité de la musique qui est produite. »
« Les gens me disaient : « Quoi, ta musique passe sur France Inter, pourquoi tu bosses encore comme prof ? » Ils ne réalisent pas que la musique, ça ne rapporte rien, mais surtout ça coûte très cher » – Sandor
Augmentation des fonds publics alloués aux musiques actuelles
En plus d’être une lettre adressée au public, le manifeste appelle à travailler avec les partenaires du métier et les autorités, pour la « création d’un modèle viable et équitable, et une augmentation des subventions ». En 2022, l’association PETZI et la Fondation pour la chanson et les musiques actuelles ont fait une analyse des dispositifs de soutien en Suisse romande. Elles ont interrogé 7 cantons romands, 12 villes, 3 agglomérations et la Loterie romande. Constat : entre 2017 et 2019, plus de 700 subventions ont été allouées, pour un montant annuel de 21 millions de francs. En comparaison avec la danse, en 2017, les subventions des villes et des cantons romands se montaient à 48 millions de CHF, d’après l’étude. Conclusion, pour les musiques actuelles, les aides sont « de loin pas suffisantes », et ne correspondent pas à « l’engouement rencontré par ce domaine, que ce soit en concert ou en écoute à la maison ».
« C’est une espèce de serpent qui se mord la queue : les artistes n’ont pas de quoi vivre et ceux qui sont censés les rémunérer – les salles, les festivals- n’ont pas non plus. Donc peut-être qu’il faut réfléchir à un modèle de fonctionnement totalement différent. » – Sandor
Dans le canton de Vaud, déjà, plusieurs artistes sont prêts à mettre en place des groupes de travail… et à plancher pour (presque) tout réinventer.
