Il y a des concerts qui claquent. Et puis il y a ceux qui percutent. Vendredi soir à Festi’neuch, IDLES a fait bien plus que du bruit. Le groupe de Bristol a transformé la scène en ring, en tribune, en terrain de jeu et en défouloir collectif — dans une soirée marquée par une nouvelle escalade de violence au Proche-Orient, alors que l’Iran venait de riposter militairement à une attaque menée par Israël quelques heures plus tôt.
Dès les premières salves de guitare, Joe Talbot plante le décor : « Free Palestine », répété plusieurs fois entre deux remerciements en français. Il dédie des morceaux, enchaîne les slogans, entre antifascisme et solidarité. L’émotion politique n’est pas plaquée : elle transperce, elle palpite. Et dans ce fracas, un public conquis qui ne décroche pas une seconde.
À mesure que le set s’emballe, Talbot prend de plus en plus la parole, comme un prédicateur punk. Il martèle ses messages, en souriant, en serrant les poings. Il lance à la foule, avec une intensité presque spirituelle : « Are you ready for love ? »
Quelques titres plus tard, le groupe dégaine Gift Horse, et la foule explose. « Go-go far, far ! », hurle Talbot, repris instantanément par tout le public dans une ferveur brute et joyeuse. Le concert devient un cri collectif, cathartique, vibrant.
Sur scène, Talbot ne reste jamais en place. Il tape du pied, balance son micro au-dessus de sa tête, fait le poirier jambes écartées — une figure absurde et magnifique — pendant qu’un des guitaristes, Mark Bowen, traverse tout le public, sourire aux lèvres, jusqu’à la régie. Là, il salue ses potes restés sur scène d’un petit coucou joyeux, comme si tout ça était normal.
C’est la tension du chaos maîtrisé. Les allers-retours de Talbot ressemblent à des charges. La batterie martèle, les riffs tranchent. Quand un musicien plonge dans la foule, Talbot le regarde comme un grand frère inquiet, veillant à distance. Ce lien humain, quasi organique, contamine la fosse.
Au milieu du set, le tempo ralentit. Place à une séquence plus sombre, presque mélancolique, où les textures deviennent électroniques, acides, poisseuses. Puis le groupe relance la machine avec Never Fight A Man With A Perm. Un morceau sec, brutal, urgent, qui remet tout le monde debout comme un uppercut collectif.
En guise d’adieu, Joe Talbot lance un dernier « Vous avez été parfait » au public. Il échange les rôles avec son batteur, qui s’élance à son tour en bain de foule, pendant que le chanteur s’installe à la batterie pour cogner les dernières mesures d’un concert en transe. Un final à l’image du reste : frontal, généreux, vibrant.
Crédit image : Mélanie Jenzer